• La Chine envisage de laisser partir le militant Chen Guangcheng à l'étranger

    PEKIN — La Chine a annoncé vendredi que Chen Guangcheng pouvait déposer une demande pour aller étudier à l'étranger, ouvrant peut-être la voie à une résolution de l'imbroglio autour du militant des droits civiques qui s'était réfugié à l'ambassade des Etats-Unis.

    L'affaire de cet avocat aveugle pourfendeur des avortements forcés a provoqué une crise dans les relations entre les Etats-Unis et la Chine, réunis vendredi à Pékin pour le deuxième et dernier jour de leur "dialogue stratégique et économique" annuel.

    "S'il veut étudier à l'étranger, il peut en tant que citoyen chinois et comme les autres citoyens chinois, déposer une demande auprès des autorités compétentes par la procédure habituelle", a déclaré le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Liu Weimin, sur le site internet du ministère.

    Chen a déclaré vendredi à l'AFP qu'il était "en grand danger". Il a ajouté espérer que "le gouvernement (chinois) va honorer les engagements signés entre la Chine et les Etats-Unis pour garantir (ses) droits de citoyen".

    "Cela ne sert à rien d'en parler, mais ma situation est très, très critique", a-t-il estimé en ajoutant que les autorités "ne laissent pas entrer les membres de l'ambassade" des Etats-Unis à l'hôpital pour lui rendre visite.

    Un peu plus tôt, Chen Guangcheng s'est adressé directement par téléphone au Congrès américain qui tenait une audition sur son cas en appelant sur son téléphone portable un militant associatif, Bob Fu, qui participait à la réunion.

    M. Fu, qui préside l'association China Aid, a placé son téléphone derrière un micro et la voix de l'opposant chinois, parlant depuis sa chambre d'hôpital à Pékin, a retenti dans la salle.

    Le militant, avocat autodidacte, a expliqué qu'il souhaitait obtenir la liberté de voyager afin de pouvoir aller se reposer aux Etats-Unis. Il s'est dit très inquiet pour la sécurité de sa mère et de son frère, restés dans son village du Shandong (est), dont il n'a pas de nouvelles.

    "Ma femme est sortie ce matin, mais elle a été suivie et filmée. Je pense qu'il y a de gros problèmes" car "je ne peux pas voir des responsables de l'ambassade des Etats-Unis. Je ne les ai pas vus depuis avant-hier (mercredi)", a expliqué Chen Guangcheng à l'AFP.

    "Je sais qu'il y a de nombreux journalistes à l'extérieur, mais ils ne leur permettent pas d'entrer", a-t-il encore déclaré.

    Chen se trouve hospitalisé à Pékin pour une blessure au pied -- stigmate de sa fuite le 22 avril de sa maison très gardée.

    Un avocat chinois venu lui apporter son soutien, Jiang Tianyong, a été emmené par la police jeudi soir et battu de telle sorte qu'il "est maintenant sourd d'une oreille et n'entend presque rien de l'autre", a déclaré à l'AFP son épouse, Jin Bialing.

    Champion de la lutte contre les avortements forcés, l'avocat s'était réfugié à l'ambassade des Etats-Unis la semaine dernière après s'être évadé de résidence surveillée.

    Il avait quitté la mission américaine mercredi, ayant obtenu des assurances pour sa sécurité et celles de ses proches en Chine.

    Mais après ses retrouvailles avec son épouse et ses amis, Chen a ensuite déclaré qu'il voulait quitter son pays.

    "Je n'ai pas soulevé la question de l'asile politique. Je veux juste quitter" la Chine, a-t-il déclaré vendredi.

    Chen Guangcheng a par ailleurs expliqué à la chaîne de télévision américaine CNN que des gardes armés avaient installé des caméras à l'intérieur de sa maison du Shandong et qu'il ne pourrait plus jamais s'en échapper s'il devait y rentrer.

    Un de ses amis, Guo Yushan, a également rapporté que l'avocat aveugle n'envisageait pas de demander l'asile.

    "Guangcheng n'a jamais dit aux médias qu'il voulait l'asile politique. Il a seulement dit vouloir aller aux Etats-Unis pour se reposer durant quelques mois", a indiqué M. Guo sur un microblog qui a ensuite été effacé, apparemment par la censure.

    Il n'a pas changé d'idée", a ajouté Guo Yushan, qui avait été brièvement détenu pour avoir aidé Chen dans son évasion.


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  • Les "réformes urgentes" de Wen Jiabao, un écran de fumée ?

    Souvent présenté comme un des dirigeants chinois les plus ouverts, "favorable aux réformes et ouvertures" et à l'écoute du peuple, Wen Jiabao n'a cependant jamais concrètement dévié d'un iota de la ligne du PCC durant sa carrière dans les hautes sphères du pouvoir.
    Premier ministre depuis 2003, il est directement impliqué dans les décisions politiques de répression (Tibet, Turkestan Oriental, manifestations de chinois, d'ouvriers...) et d'arrestations (dissidents, journalistes, artistes) de cette décennie.

    Ainsi, ses récentes annonces à ses « chers amis journalistes » (sic!) concernant  la nécessité "urgente" de "réforme de notre système de gouvernance" semblent une fois de plus n'être qu'un écran de fumée, à l'heure où la répression grimpe d'un cran au Tibet et au Turkestan oriental, où le Tibet est quasi-bouclé et subit une loi maritale qui ne dit pas son nom et fait du Tibet une des zones occupées les plus militarisée au monde (1 militaire pour 4 tibétains selon Samdhong Rinpoché).

    Comme l'a si bien noté cet article d'Aujourd'hui la Chine : Une « urgence », mais pas de calendrier, un « risque de tragédie » mais pas d'annonces pour l'éviter… Cet article voit dans ces déclarations plus une position au sein d'une subtile lutte de lignes entre réformistes et orthodoxes au sein du Parti (avec en toile de fond l'eviction de Bo Xilai) qu'un réel engagement.

    Rappelons les récentes déclarations de Wen Jiabao :  "La tache la plus importante de nos armées est de gagner des guerres locales" et "gagner des guerres locales en faisant appel aux technologies de l'information", lors de l'annonce de l'augmentation du budget de la défense de 11,2%.

    A Wen Jiabao, à tous les dirigeants chinois, à la place de déclarations floues destinées à attendrir la communauté internationale, agissez dès maintenant :
    -laissez entrer les journalistes étrangers au Tibet
    -retirez l'armée des rues, des villages et des monastères
    -libérez les prisonniers politiques, les dissidents, les journalistes
    -autorisez la venue d'enquêteurs internationaux.

    Que le gouvernement chinois prenne enfin le chemin du respect des droits de l'Homme, non pas sur le papier mais dans les actes !

    Etudiants pour un Tibet Libre-SFT France


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  • LE MONDE | 30.01.10 | 13h40

     

    Article paru dans l'édition du 31.01.10

     

    Shanghaï (Chine) Correspondant

     

    Les conflits liés aux expropriations sont en pleine recrudescence en Chine. Pour tenter d'y remédier, un nouveau projet de réglementation a été publié, vendredi 29 janvier, sur le site du bureau des affaires légales du Conseil d'Etat. Les citoyens sont invités à soumettre leurs commentaires par écrit jusqu'au 12 février. Les compensations seront désormais calculées en fonction des "prix du marché". Les résidents ne pourront être expulsés avant la fin des procédures engagées devant la justice. Et la violence et les méthodes dissuasives, comme des coupures d'électricité ou d'eau, ne devront en aucun cas être employées contre eux.

     

    Le temps presse. Le plan de relance chinois, censé empêcher toute déstabilisation sociale, produit l'effet inverse car il faut vite expulser pour lancer les infrastructures inscrites au budget. Les gouvernements locaux, qui tirent en Chine leurs revenus des ventes de terrain, cherchent à profiter de la bulle immobilière, alimentée par l'afflux d'argent frais dans les sociétés d'Etat ou assimilées. La flambée des prix nourrit en retour une anxiété croissante dans la population.

     

    IMMOLATION PAR LE FEU

     

    Cette course infernale fait des victimes. Dans le Guangxi, à Lipu, un homme a été tué par la police le 12 janvier : des villageois opposés à la réquisition de leurs terres s'en étaient pris à un juge qui avait tranché en leur défaveur. Dans le Guangdong, à Yangshan, des batailles rangées entre des habitants résistant à la démolition de leur maison et la police ont fait plusieurs blessés, le 18 janvier.

     

    En novembre 2009, l'acte de désespoir de Tang Fuzhen, une femme de 47 ans qui s'était immolée par le feu sur le toit de sa maison dans la banlieue de Chengdu - les images ont circulé sur Internet - avait ému l'opinion. Elle possédait une maison de trois étages, et y avait installé son entreprise. Les autorités locales souhaitaient construire à cet emplacement une route pour desservir une nouvelle centrale de traitement des eaux. Elles ont refusé de l'indemniser en prétextant l'absence de permis adéquats. Quand l'équipe de démolition a molesté sa soeur et sa nièce, Tang Fuzhen s'est donné la mort.

     

    "En Chine, la notion d'expropriation est entendue comme un droit de recours à la force, au mépris de toute procédure", explique Chen Duanlong, un professeur de la faculté de droit de l'université de Pékin qui a publié avec quatre experts, début décembre, une lettre ouverte pour dénoncer le caractère non constitutionnel de la réglementation. "Pour que dans un rapport d'achat et de vente, le "vendeur" se suicide, c'est qu'il est dans une impasse. Que peut faire un propriétaire chinois mécontent ? Pétitionner ? C'est voué à l'échec. Porter plainte ? Le système judiciaire est contrôlé par le pouvoir qui exproprie. Le résultat est que les gens se tournent vers la violence et les actes extrêmes" poursuit-il.

     

    Pour M. Chen et ses confrères, il est nécessaire de refondre en profondeur la loi, dans la mesure où la notion de "prix du marché", telle qu'elle est spécifiée dans les nouvelles règles, ne vaut que si celui-ci est fixé par une entité indépendante. Selon le juriste, prohiber la violence contre des citoyens ne suffit pas, encore faut-il que ceux-ci disposent de possibilités de recours.

     

    Brice Pedroletti


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  • Shanghaï Correspondant

     

    Grand gaillard à la mine joviale, Pu Zhiqiang montre sur son téléphone portable le texto de son confrère, l'avocat Teng Biao, lui signifiant qu'après les délibérations d'usage, il a été accepté, en mai, comme membre de Gongmeng. L'organisation non gouvernementale chinoise est l'une des rares à oser traiter de dossiers sensibles, comme le sort des pétitionnaires venus porter leurs doléances à Pékin, ou les difficultés socio-économiques des Tibétains.

    Discrète selon les standards occidentaux de médiatisation, Gongmeng a toutefois acquis depuis 2008 une visibilité auprès du grand public chinois, après que ses membres, des avocats et des juristes pour la plupart, se sont organisés pour répondre aux victimes du scandale dulait en poudre contaminé à la mélamine.

    Or à peine Pu Zhiqiang avait-il été adoubé que Gongmeng était... démantelée, et l'un de ses fondateurs, Xu Zhiyong, jeté en prison, mi-juillet, sous le prétexte d'évasion fiscale (il a, depuis, été libéré sous caution). "Gongmeng devenait de plus en plus puissante. (...) Ça fait peur au pouvoir : ils voient qu'on s'organise", observe Me Pu, de passage à Shanghaï pour voir un de ses clients. "Le Parti communiste est au pouvoir depuis soixante ans. Les gens ont moins peur. La conscience de leurs droits s'est réveillée. Avec le développement économique, les nouveaux médias, ils s'expriment de plus en plus. Tout cela a élargi notre marge de manoeuvre", poursuit l'avocat.

    Les renquan lushi, ou "avocats des droits de l'homme", ne sont encore que quelques dizaines - sur près de 150 000 avocats dans tout le pays. Né au début des années 2000, leur mouvement professe l'obéissance civile - aux lois et à la Constitution - et pose un défi inédit à l'Etat-parti : non seulement le Parti communiste fait inlassablement la promotion du "respect des lois", mais sa quête de légitimité en Chine comme à l'étranger l'oblige à réformer son système judiciaire, ne serait-ce qu'en apparence. Or, depuis plusieurs mois, les avocats accumulent les coups durs : une vingtaine d'entre eux ont vu leur licence suspendue, en mai.

    Leur engagement politique n'a pourtant rien de déraisonnable : certains, comme Teng Biao, ou Pu Zhiqiang, sont certes signataires de la Charte 08, la dernière initiative collective en faveur de la démocratie, lancée fin 2008. Une poignée d'entre eux défend des dissidents et les membres persécutés du Falun Gong, le mouvement religieux banni par Pékin. Mais les autres se battent pour de simples citoyens victimes d'abus. "Ce sont souvent les seuls à défendre des cas qui, sans eux, sombreraient dans l'indifférence la plus totale. Avec le ralentissement économique, les conflits sociaux ont sauté sur le devant de la scène", estime Patrick Poon, coordinateur à Hongkong d'un groupe de soutien des avocats.

    L'arrestation de Xu Zhiyong, qui n'était pas signataire de la Charte 08, et considéré comme modéré, a démontré que tous étaient désormais dans le collimateur des organes de sécurité. "Ce dernier développement est décourageant, et je me sens abattu", nous confie Teng Biao, qui a vu sa licence suspendue en 2008, et qu'on empêche d'enseigner en représailles de son militantisme. "Nous ne sommes pas anti-gouvernement !"

    Pu Zhiqiang attribue sa relative tranquillité à son manque d'ancienneté dans le combat : en réalité, il se fait connaître dès 2004 quand il défend les auteurs, accusés de diffamation, d'un livre sur les abus de pouvoir dans les campagnes. Récemment, il s'est illustré dans l'affaire Tan Zuoren, ce militant de Chengdu accusé de subversion pour avoir voulu comptabiliser les enfants disparus dans les écoles effondrées du Sichuan. Or l'acte d'accusation porte sur les prétendues actions du militant pour commémorer les événements de Tiananmen, une aberration en matière juridique, car aucune loi n'est enfreinte, mais c'est la garantie qu'aucun média ne mentionne la journée du 4 juin 1989. La plaidoirie de Me Pu, qui pulvérise les arguments du parquet, a fait le tour des médias - une contre-publicité embarrassante pour le régime, même si l'avocat est pessimiste sur l'issue du procès, pour lequel, dit-il, la décision vient d'en haut.

    Les libertés que prennent avec les lois chinoises policiers, juges, procureurs et ceux qui les contrôlent tiendraient du burlesque s'ils n'avaient des conséquences tragiques : les témoins proposés par Me Pu lors du procès de Tan Zuoren ont été retenus à leur hôtel par la police et passés à tabac. Dans l'affaire de la mélamine, les parents ont longtemps vu leurs plaintes rejetées par les tribunaux. "La défense est souvent confrontée à de tels problèmes que les procès sont une catastrophe en termes de respect des lois", constate Eva Pils, chercheuse à la faculté de droit de l'université chinoise de Hongkong.

    Sur un tel terrain miné, l'engagement des avocats tient du sacerdoce - ils travaillent souvent bénévolement, sauf en droit des affaires - et il est l'aboutissement d'une prise de conscience personnelle. Pu Zhiqiang, 44 ans, est un ancien leader étudiant de 1989. Il ne fut jamais emprisonné, mais ne put trouver un travail correspondant à son niveau d'études, car il a toujours refusé d'écrire l'autocritique sur son rôle lors du printemps de Pékin, requise à l'embauche. "Je suis historien de formation, il n'était pas question de mentir", dit-il. Il devint alors secrétaire d'un paysan patron d'un marché de légumes à Pékin, puis passa l'examen du barreau. Il est aujourd'hui associé de la Beijing Huayi Law Firm.

    Xu Zhiyong, lui, était étudiant en droit quand, en 1994, il joua le médiateur dans sa région natale du Henan : "Quatre villageois avaient été tués. Les autres avaient pris en otage deux policiers. J'ai persuadé les paysans de relâcher les policiers", raconte-t-il. En 1997, il découvre l'existence des "pétitionnaires" montés à Pékin manifester devant le siège de CCTV, la télévision centrale. En 2002, il souhaite devenir membre du parti, mais sa candidature est rejetée en raison de l'assistance qu'il avait apportée à des paysans du Liaoning.

    En 2003, c'est la mobilisation de Xu Zhiyong, et de deux jeunes autres doctorants en droit, Teng Biao et Yu Jiang, dans l'affaire Sun Zhigang - un jeune graphiste, tabassé à mort dans l'hôpital d'un centre de détention de migrants du Guangdong où il avait été emmené parce qu'il n'avait pas ses papiers - qui donnera naissance à Gongmeng.

    Le trio fait parvenir à l'Assemblée nationale du peuple un rapport qui dénonce l'inconstitutionnalité des centres de détention. Un mois après, le Conseil d'Etat, sur ordre de Wen Jiabao qui vient d'être désigné premier ministre, abroge la réglementation administrative qui les avait institués en 1982 : "Wen Jiabao a voulu marquer les esprits. C'est une décision qui a suscité beaucoup d'espoir et d'enthousiasme à l'époque. Après le cas Sun Zhigang, on a décidé d'utiliser des cas individuels pour faire avancer les processus démocratiques", se souvient Teng Biao. Le "weiquan yundong", ou mouvement de défense des droits, prend son essor. Avocats et spécialistes du droit en sont le moteur et Gongmeng devient leur plateforme - jusqu'à la reprise en main récente.

     

    Brice Pedroletti


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